De la revitalisation des friches à l’ingénierie de conseil multithématique : Perrine Rutkowski nous raconte Recommandations-collaboratives
Entretien avec Perrine Rutkowski, intrapreneuse au Cerema, retraçant le parcours de création d'UrbanVitaliz, une méthode de conseil humain couplée à un outil numérique initialement destiné à débloquer la revitalisation des friches, jusqu'à son évolution vers une solution logicielle d’ingénierie de premier niveau multi-thématique, Recommandations-collaboratives. Cette interview met en lumière la méthodologie produit centrée sur l'utilisateur, le rôle clé du conseil humain et la vision stratégique d'intégrer l'intelligence artificielle pour optimiser l'efficacité de l'accompagnement des collectivités.
Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Je suis Perrine Rutkowski. J'ai commencé à travailler sur l’outil numérique UrbanVitaliz en 2020. Je suis aujourd’hui responsable de l'incubateur du Cerema, Accélérema. Auparavant, j'étais chargée d'études au Cerema sur les données foncières, notamment sur l'utilisation et la valorisation des Fichiers Fonciers, qui décrivent de manière détaillée le foncier, les locaux ainsi que les différents droits de propriété qui leur sont liés.
Comment l'idée d'UrbanVitaliz est-elle née ?
L'idée est apparue au démarrage de la politique du ZAN (Zéro Artificialisation Nette). Le Cerema avait déjà créé l'outil Cartofriches pour l'inventaire des friches. Nous nous sommes demandé si l'inventaire seul suffirait à débloquer la revitalisation. Nous avons donc lancé une investigation encadrée par le format beta.gouv.fr (l'incubateur des start-up d'État de la DINUM), avec une approche centrée sur l'impact et l'utilisateur.
Nous avons mené plus de 80 entretiens pour identifier ce qui bloquait. Le problème se situait dans les zones en déficit d'ingénierie (petites communes, intercommunalités) où la pression foncière augmentait. Ces collectivités sont perdues face au mille-feuille de solutions (pollution, programmation urbaine, financement, etc.), ce qui crée un statu quo.
Les collectivités ont exprimé le besoin d'un service d'aiguillage de premier niveau pour les orienter vers les bons acteurs, outils et financements, en fonction de l'avancement de leurs projets.
Il était essentiel que ce conseil soit humain. D'une part, chaque friche est unique, et d'autre part, cela garantissait la confiance des collectivités, souvent peu numérisées, face à des solutions automatiques inadaptées.
Le service permet d'optimiser le temps humain grâce à un parcours de qualification et un système de rappel qui assure le suivi des projets sur le long terme et permet la mutualisation et la pérennisation de fiches ressources réutilisables.
Pouvez-vous détailler votre rôle d'intrapreneuse et comment vous avez constitué l'équipe ?
Mon rôle a consisté à porter le produit et l'équipe, à garantir l'impact maximal et à obtenir les moyens auprès des administrations. Je me suis spécialisée comme pilote de produits numériques, me concentrant sur la priorisation des besoins des utilisateurs de ces services.
L'équipe s'est construite progressivement. Nous avons d'abord testé le conseil à la main pour valider la valeur ajoutée avant de développer l'outil. Ensuite, nous avons recruté un développeur, puis des conseillers – le rôle d'expert métier n'étant pas le mien. Face à la charge croissante, nous avons ajouté un poste dédié au déploiement.
Comment êtes-vous passé de l’outil à la création du logiciel Recommandations-collaboratives ?
UrbanVitaliz a été créé comme un service numérique et humain pour optimiser le conseil.
Progressivement, d'autres administrations publiques ont exprimé leur intérêt pour cet outil. Nous avons compris que notre logiciel, que nous avons nommé Recommandations-collaboratives, était pertinent pour toute entité cherchant à suivre des projets complexes sur le temps long et qui fonctionnait jusqu'alors par mail ou téléphone.
Recommandations-collaboratives est porté par le Cerema, en partenariat avec la DGALN et la DINUM, et a reçu le soutien dans sa construction de l'ANCT.
Notre premier cas généralisé a été le service SOS Ponts pour le Programme national des ponts. Aujourd'hui, Recommandations-collaboratives est un logiciel unique sur lequel chaque équipe personnalise et gère son propre portail de conseil. Nous avons déjà mis à disposition une dizaine de portails.
Quelles sont les prochaines fonctionnalités clés de l'outil, notamment concernant l'IA ?
Nous sommes en phase de consolidation de l'outil pour optimiser l'expérience utilisateur. Nous avons fusionné l'écran de conversation et de l'écran des recommandations pour simplifier l'accès à l'information pour les collectivités.
Dès le début, nous avions la vision que l'accumulation de données de projets permettrait d'alimenter un moteur IA d'assistant de conseil. L'IA serait là pour appuyer les conseillers, sans jamais pousser de conseil automatique aux collectivités.
Concernant l'IA, nous développons actuellement deux fonctionnalités majeures. Premièrement, l'aide à la création de ressources structurées à partir des conseils émis en texte libre. Et deuxièmement, l'aide à la suggestion de recommandations pour les conseillers, en détectant les demandes similaires déjà traitées.
Quelles sont les perspectives de déploiement à venir pour Recommandations-collaboratives ?
Nous explorons activement le déploiement en interministériel. Cependant, c'est un cycle de vente long, car l'intégration et l'accompagnement au changement des équipes humaines prennent au moins six mois.
Nous testons également l'ouverture à la sphère privée, en ciblant notamment les associations et fondations qui sont moins dotées en outils numériques et qui pourraient être intéressées par une solution adaptable sur étagère comme Recommandations-collaboratives.